La musique est aussi vieille que l’humanité elle-même, et au fil des siècles, de nombreux philosophes et scientifiques ont tenté d’expliquer notre relation avec elle. L’un des plus fondamentaux à cet égard est le philosophe allemand Arthur Schopenhauer (1788-1860). Il a fait valoir que la musique est la forme d’art la plus noble et la plus importante, parce qu’elle s’élève non seulement au-dessus des autres formes, mais qu’elle n’a que la capacité de canaliser en nous une union spirituelle avec l’univers entier.
Son analyse de la médiation des différentes formes d’art n’était pas basée sur l’émotion mais sur la raison. Il regardait la musique à travers le prisme de sa vision philosophique du monde. Bien que ses théories aient été contestées à de nombreuses reprises, elles fournissent toujours un argument intéressant et logiquement cohérent selon lequel la musique est la forme d’expression la plus élevée connue de l’homme. Il était extrêmement systématique dans sa pensée et est arrivé à la conclusion que tous les événements, passés, présents ou futurs, étaient dictés par un ensemble de lois métaphysiques interconnectées.
Pour comprendre sa pensée sur la musique, nous devons connaître l’interprétation de la réalité elle-même, centrée sur le concept appelé « volonté de vivre ». Schopenhauer a défini la volonté comme une impulsion continue et aveugle qui dicte l’existence de la matière organique et inorganique. La volonté chez l’homme se manifeste sous forme de désir et représente le concept ultime, unique et indéfini de l’instinct primordial. Cela nous pousse vers une destination que nous ne pourrons jamais atteindre, mais nous nous dirigeons constamment vers elle. Ce paradoxe est à l’origine de la souffrance et du malaise spirituel. Afin d’atteindre la paix, nous devons rompre le lien avec les désirs qui font de nous des êtres spéciaux sur cette planète.
L’homme en tant qu’organisme, toutes ses parties et toutes ses actions, ne sont que des manifestations de la volonté de l’homme. La pulsion de maintenir la vie et la pulsion sexuelle sont deux formes fondamentales de la volonté de vivre de l’homme. Ils sont une source constante d’agitation, de désir constant, de douleur et de souffrance. Après avoir satisfait l’envie, un sentiment d’indifférence et d’ennui apparaît. La vie de l’homme n’est donc qu’un effort inépuisable, une lutte pour satisfaire d’innombrables besoins, souffrances et ennuis. La souffrance est constante parce qu’elle naît de l’insatisfaction des désirs de la volonté insatiable.
Bien que Schopenhauer considérait son idée de la volonté comme essence du monde comme originale, profonde et scientifique, elle s’est avérée au fil du temps être une évaluation individuelle du monde selon la nature humaine. L’impossibilité de ce type d’idéalisme ressort du fait qu’il contredit grossièrement la compréhension scientifique du monde. Selon cet idéalisme, l’espace, le temps, la matière et même le monde entier n’existent que sur la base de la conscience, c’est-à-dire par la raison. („La raison unit l’espace et le temps dans la représentation de la matière. Ce monde en tant que manifestation n’existe que sur la base de la raison et uniquement pour la raison.“ – Schopenhauer)
En lien avec la tendance fondamentale de sa philosophie, qui est le salut de la volonté d’exister comme source de souffrance, Schopenhauer considère l’art comme une délivrance passagère et une consolation temporaire dans la vie. Il compare le sentiment insaisissable, souvent mélancolique, que l’art, en particulier la musique, peut susciter en nous, avec celui qui nous submerge lorsque nous rencontrons une œuvre magnifique créée par la nature. Disons, comme lorsque nous grimpons au sommet d’une montagne et voyons une vallée profonde et, au loin, d’autres chaînes de montagnes sculptées et recouvertes de neige. La splendeur apparemment infinie du monde lui-même place alors notre existence dans une nouvelle perspective.
„Par rapport à ces expériences impressionnantes, nos luttes quotidiennes semblent si petites et insignifiantes qu’elles pourraient tout aussi bien ne pas exister.“ (Schopenhauer)
„Les montagnes, les vagues et le ciel ne font-ils pas partie de moi et de mon âme, tout comme j’en fais partie ?“ (Byron)
Selon la pensée d’Arthur Schopenhauer, c’est la musique qui tente de trouver l’universel dans le personnel, l’intemporel dans le contemporain et l’infini dans le fini. Il s’agit d’une telle forme d’art qu’elle représente une manifestation directe de la volonté elle-même, alors que d’autres branches de l’art ne montrent que l’ombre de copies d’idées. Lorsque nous écoutons de la musique, nous avons le sentiment d’être connectés à une sorte de vérité supérieure (l’essence de l’existence).
Il convient de souligner que Schopenhauer traitait de musique absolue (pure), qui était principalement appliquée par Richard Wagner dans ses compositions. Le degré d’influence que la pensée philosophique de Schopenhauer a exercé sur Wagner a été multiple. Elle est également considérée comme un tournant, tant dans la créativité de ce compositeur que dans le domaine de la pensée théorique sur la religion et la musique.
La musique sans paroles permet l’expression et l’expérience sans entrave de quelque chose de métaphysique. Schopenhauer a écrit sur la musique instrumentale absolue, plus précisément pure, dans un sens affirmatif, insistant sur le fait qu’elle représente directement la volonté elle-même, affectant nos sentiments, nos passions et nos affects.
Source : Textes et poésie
Arthur Schopenhauer, Borivoj Vujić, Musique, Philosophie
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