La description des relations amoureuses constitue la moitié de l’œuvre monumentale de Proust, mais en réalité, il n’est jamais question d’amour, seulement de ses mensonges : suspicions, enquêtes policières, inquisition sur les gestes et paroles les plus banals, obsession de la méfiance d’un côté, mensonge transformé en système de l’autre, une tromperie réciproque. La femme ment pour préserver sa liberté, l’homme pour percer ses secrets, la femme avec des perversions qu’elle ne peut avouer à personne, l’homme avec des soupçons qu’il ne peut exprimer; l’homme qui aime justement parce que la femme le trompe, incapable d’aimer sans jalousie ; la femme qui supporte tout cela pour on ne sait quelle raison, le plus souvent par calcul, et qui trouve son plaisir ailleurs.
Tout cela est excessif et ne serait que comique pour le lecteur s’il n’était pas vu et décrit de l’intérieur, vécu, avec d’innombrables digressions qui rendent la narration proustienne si attrayante, tout comme derrière cette vision tragico-comique de l’amour proustien se profile une question plus large, celle de la possibilité ou de l’impossibilité de la communication humaine en général. Pas seulement dans l’amour mais aussi dans l’amitié. Sommes-nous inévitablement enfermés chacun dans notre coquille, ou les gens sont-ils capables de se connaître mutuellement, de communiquer entre eux, de s’ouvrir les uns aux autres et ainsi s’enrichir mutuellement. Une question devenue banale dans notre littérature contemporaine, peut-être sa principale thématique à l’ère des rythmes de vie accélérés, des relations standardisées et d’un langage appauvri.
Pour Proust, cela ne fait aucun doute. Son héros ne jouit de la tranquillité de l’amour que devant Albertina, qui dort devant lui, en possession sûre d’un être complètement passivant, silencieux au moins un instant. Le monde est impénétrable, inconnaissable dans son essence, il est réel, seule notre impression est vraie. Socialiser avec les gens est une chose intéressante, mais tout le monde reste fermé à tout, on peut deviner quelque chose à leur sujet, mais derrière la supposition se cache un abîme. D’où l’étonnement constant du narrateur lorsque, après de nombreuses années, il retrouve le même être et le voit complètement différemment. Dans le livre In the Shadow of Girls in Bloom, Octave est un jeune homme riche et insignifiant, dans Found Time il est un écrivain de génie. Tous les personnages de Proust ne sont que ce que Marcel voit d’eux, de sorte que le narrateur présente leur insignifiance comme «représentants d’une certaine loi générale». Norpois est diplomate, Brichaud professeur pédant, etc. Toutes les femmes sont fondamentalement les mêmes, elles sont toutes pure vanité. Quand on y regarde de plus près, le monde de Traganje est avant tout un monde de comédie et non un drame civique. Bien sûr, sauf le personnage principal. „L’homme est un être qui ne peut sortir de lui-même, qui connaît les autres en lui et qui, s’il dit le contraire, ment“, dit Proust. Les salons de Proust ressemblent à un théâtre de marionnettes. Seul Marcel est réel et humainement vivant, le seul vu de l’intérieur, et l’œuvre, lorsque Marcel mûrit et devient capable d’être un «conteur», n’est qu’une projection de ses impressions et pensées qui s’y rapportent. La communication est basée sur des mensonges.
En tant qu’objet véritablement connaissable, la seule vérité certaine reste seulement moi, reste ma vision, ma vision du monde. Je suis donc le seul narrateur du roman et le roman est écrit à la première personne. Tout le reste est son impression, pénétrante, vraie, mais une impression. Ce moi est tourné vers le monde, passionnément attaché à lui, le regarde et en parle, donc l’œuvre est toujours un roman comme les autres, mais un roman sans l’illusion de l’objectivité absolue, un roman qui ne raconte pas le monde. , mais son reflet dans un certain sujet.
Mais pour qu’un tel sujet existe, pour qu’il passe d’un moi positif et quotidien à un certain moi transcendant, qui acquière le droit et la possibilité de dire avec autorité une certaine vérité sur le monde et sur lui-même dans le monde, il faut que quelque chose soit lui sont arrivés qui l’ont fondamentalement changé, ce qui l’a rendu apte à répondre avec pertinence aux questions que lui posait son monde d’impressions, à approfondir l’expérience qu’il avait vécue. Il fallait qu’un certain appel, une certaine « vocation », comme le dit Proust, s’impose chez le méchant et faible Marcel gâté, un appel qui transformerait fondamentalement Marcel, quelque chose de semblable à la conversion des apôtres, quand, le le chemin de Damas, de Salvo est devenu Paul, un appel à, au lieu de vivre une vie banale et vide, raconter et révéler toute la richesse qui se cachait derrière cette banalité. „Quelle richesse, quelle diversité cache, à notre insu, cette grande nuit de notre âme, inexplorée, décourageante, que nous traitons comme vide, comme néant“, dit Proust, lorsqu’il transforma le faible Marcel en Marcel le conteur. Marcel est le héros d’un roman, un roman de misère et de misère de la vie, le conteur, voyant à travers cette misère et cette misère l’essence de cette misère et de cette misère, créera un poème de triomphe de la vie, en révélera la splendeur et le luxe, parce que l’art est le salut, l’art est la seule conception possible de la vie.
Marcel le héros du roman et Marcel le narrateur sont deux êtres opposés. Le narrateur découvre l’essence de la vie de Marcel et la possibilité de lui donner une réelle valeur, ce que Marcel, le héros du roman, ne sentait que de temps en temps, mais ne comprenait pas. Ainsi, Marcel, le héros du roman, est un désespérant schopenhauerien, tandis que Marcel, le narrateur, confirmant ce pessimisme, va transcender une telle vie en chant de joie, en la transposant en chant, en lui donnant par la mémoire l’importance et poids qu’il n’avait pas dans la conscience de Marcel, disant un langage puissant, riche, coloré, dans ces longues phrases proustiennes, qui n’en finissent pas parce que, transformées par les yeux du narrateur, elles sont si belles et trop riches qu’elles s’étendent jusqu’à sa vision.
Aih ueih du souvenir que le monde est petit5, pour Proust la vie n’est infinie et pure que «aux yeux de la mémoire».
Les impressions de la vie de Marcel, pâles, jamais complètement claires et réfléchies, hésitantes et sans réalité plus profonde, prendront toute leur signification lorsque le conteur s’en souvient et les façonne en une vision spiritualisée cohérente du monde de l’œuvre d’art. Tout au long de l’œuvre et tout au long de sa vie, comme le montre sa correspondance, Proust éprouvera les annonces de cette conception, dans des moments où il était envahi par un désir joyeux d’observer les choses et les gens non pas dans la pratique de la vie quotidienne, mais comme le matériau d’une œuvre d’art, s’abandonner à la « vocation », devenir un véritable, grand écrivain, qui donnera ainsi un sens à sa vie dénuée de sens.
Dans le roman, Proust parle longuement de la façon dont cette tournure des événements s’est produite. De cette fameuse «mémoire affective», cette mémoire émotionnelle, qui n’est pas un souvenir désolé et abstrait du passé, ce n’est pas une mémoire de faits qui nous disent: «c’est comme ça que tu étais», ne nous permettant pas de le redevenir, qui nous prétend qu’il existait autrefois le paradis perdu, „un lieu pour le ramener à notre mémoire… pour nous remettre dans l’état dans lequel nous étions autrefois“. Selon Proust, la mémoire affective est quelque chose de tout autre, de précieux : certaines sensations, certains sentiments, une Madeleine trempée dans le thé, des assiettes inégales dans la cour du Palais de Germain, une serviette raidie et amidonnée, tout d’un coup, sans la participation de la volonté, spontanément, revivez ce qui a été vécu autrefois, et le revivre nous remplit de bonheur et d’amour. C’est, dans un certain sens et dans une certaine mesure, quelque chose que chacun de nous expérimente, mais certainement pas avec la clarté et la violence comme chez Proust. Il nous arrive à tous qu’un souvenir surgisse dans notre conscience dans tout son caractère concret unique, plus vif, plus insistant que le présent, une scène du passé avec son humeur, une voix ou un regard d’un disparu depuis longtemps, le coin des lèvres avec l’ombre d’un sourire, ressentir un vif inconfort à cause de quelque chose qui s’est passé il y a longtemps, un méfait insignifiant. Peut-être pas aussi intensément que Proust, mais vivant et présent, plus présent que le présent. On a remarqué que Proust ne décrit qu’un fragment de visage, seulement le bout de son nez, une touffe sur son front, mais la mémoire affective est fragmentaire pour nous tous. Un médecin a écrit une étude sur Proust et l’asthme, dans laquelle il affirme que cette intensité de la mémoire affective – sur laquelle on a beaucoup écrit au XIXe siècle – est caractéristique des asthmatiques. Un médecin spécialiste, qui n’avait pas lu Proust, m’a dit qu’il n’avait pas rencontré ce phénomène chez ses patients. Dans son étude Âme et rêve romantiques, Albert Begen évoque le cas du poète allemand Karl-Philippe Moritz, dont l’expérience est similaire à celle de Proust:
„Quand il a écouté les cloches d’Erfurt, les souvenirs du passé se sont lentement réveillés en lui, puis le moment présent n’a pas limité sa vie, mais il a de nouveau inclus dans un seul paquet tout ce qui avait déjà été achevé.“ „Mais“, dit Begen, „Moritz n’a pas pu aller plus loin, il n’a pas pu tirer de cette expérience ce que Proust a fait.“
Pour Proust, cette rencontre du sentiment présent et de la réminiscence du passé, qu’il provoque, et « met sous ses yeux un moment intégral du passé »est une source de «joie incommensurable», une sorte d’extase, d’«état“, comme il le dit, „ce qui n’a apporté aucune preuve logique, mais seulement l’évidence de son bonheur“. Et cette mémoire, insiste Proust, n’est pas une embellissement ou une idéalisation, pas une fuite dans un rêve romantique, mais au contraire, voir les choses pour la première fois telles qu’elles sont dans leur essence, parce que le présent est un mensonge, parce qu’il est précisément dans le présent, cet homme ne parvient pas à vraiment voir ce qui est.
„Nous sommes trop tiraillés par les hasards, flous, condescendants envers nos interlocuteurs. Et ce qui a été perdu, et maintenant retrouvé grâce à la mémoire affective, est un fragment de temps, un instant unique en fait, quelque chose qui n’est pas dans le temps, qui est hors du temps.“
On a beaucoup écrit sur la compréhension du temps par Proust, c’est-à-dire, en termes bergsoniens, sur l’expérience de la durée, par laquelle on entend non pas le temps astronomique abstrait d’une horloge, mais le temps en tant qu’expérience individuelle. On a avancé que Proust avait emprunté ses idées à Bergson, pour ensuite affirmer que l’attitude de Proust à l’égard du temps était à l’opposé de celle de Bergson. Chez Bergson, la « durée » est dynamique, créativement orientée vers l’avenir, chez Proust cette expérience est extatique et toute tournée vers le passé. Pour Proust, la conscience n’existe que si elle reconstruit le passé, je ne sais qui et ce que je suis que lorsque je réalise ce que j’étais et ce qu’était le monde qui m’entourait. Plus cette connaissance est intense, plus je suis profond. De plus, Bergson perçoit le temps comme une continuité, alors que chez Proust, la réalité elle-même n’est pas continue, et lui, dans sa mémoire, l’expérimente par fragments, sans structure globale, et ces fragments sont divers, leur essence commune est le narrateur lui-même.
Mais la question, me semble-t-il, est de savoir si l’on peut même parler du temps chez Proust. Certes, le roman s’appelle In Search of Vanished Time, son dernier livre s’intitule Time Found et le roman se termine, comme il a commencé, par le mot Time. Et quand il écrit le temps, Proust l’écrit avec un V majuscule.
„Je décrirai“, dit-il dans la dernière phrase du roman, „les humains (bien qu’ils puissent ressembler à des êtres monstrueux) occupant un espace énorme par rapport au petit espace qu’ils occupent dans l’espace, un espace qui, en revanche, est des dépenses incommensurables – étant donné qu’ils touchent, comme des géants noyés dans les années, des époques si éloignées les unes des autres, des époques entre lesquelles tant de jours ont été placés – je les décrirai dans le Temps. Et de quel côté avant cela: „[Mon travail] marquera avant tout une forme… qui nous reste habituellement invisible, la forme du Temps.“
Il n’y a pas de doute, le roman, très négligemment, sans insister là-dessus, nous raconte avec désinvolture trente ans de la vie de Marcel, mais le roman ne mentionne jamais cette durée ; quand il écrit, Proust oublie tout simplement le temps, le lecteur ne voit jamais comment ses personnalités changent, il les voit soudainement changer, et toujours, comme Proust lui-même, est surpris de constater ce changement.
„Proust est un peintre de l’immobilité“, dit Revel, „le récit de Proust est aussi intemporel que l’unité du temps dans la tragédie et la comédie classiques… Tandis que chez Balzac, Tolstoï ou Zola on assiste à la véritable évolution de la personnalité, … à dans cette mesure, Proust est un peintre de l’immobilité. » Il est Proust quand il oublie le temps… S’il ressort quelque chose de la Recherche, c’est avant tout le fait que nous n’avons jamais directement conscience du temps. Le narrateur de Tpaganje ne nous montre que des portraits successifs de ses personnalités qu’il rencontre par hasard à dix, voire vingt ans d’intervalle, et il s’étonne à chaque fois que les visages et les situations ne soient plus tout à fait les mêmes… Il s’aperçoit tout de suite que lui-même a vieilli quand, au bout d’une quarantaine d’années, il fait rire les personnes présentes en proposant à Gilberta d’aller dîner seules au restaurant… Chez Proust, quelqu’un est vieux ou pas. Sinon, il ne peut pas le devenir… Dans le roman de Proust, il ne s’agit pas d’action, mais d’images.
Revel exagère peut-être un peu, mais fondamentalement, il a raison. Et Picon parle du caractère temporel fragmentaire du roman de Proust, du fait qu’il est constitué de «divers microcosmes, irréductibles les uns aux autres».
Il me semble que non seulement Revel a largement raison, mais qu’il ne saurait en être autrement, compte tenu du rapport de Proust au passé, qui est le seul qui traverse les œuvres. Si Proust peint la réalité non pas comme une structure continue mais comme « l’essence de divers microcosmes », qu’il peint non pas des actions mais des images, c’est parce que sa « mémoire affective », comme Proust lui-même l’admet, est une mémorisation extatique de moments de le passé, ils sont atrenuci, et encore comme il le dit, hors du temps, intemporels, il ne peut y avoir en eux aucun événement temporel d’aucune sorte, ni évolution ni action. Autour de ces moments se cristallisent, selon Proust, des souvenirs d’importance et de valeur secondaires, qu’il appelle « mémoire intellectuelle », mais ces moments intemporels sont importants. Proust répète toujours la même chose : son œuvre est un faisceau d’impressions, c’est-à-dire d’expériences momentanées autour desquelles l’intelligence se construit, interprète, complète:
Seule une impression, aussi fragile que soit sa matière, aussi incroyable que soit sa trace, est le critère de vérité… L’impression est pour l’écrivain ce que l’expérience est pour le savant, avec la différence que pour les savants le travail de l’intelligence précède , tandis que pour l’écrivain cela suit.“ Dans l’expérience de l’instant remémoré se trouvent « le bonheur et la vie réelle », en elle, répète Proust, la vraie réalité « libérée des insupportables contingences du présent », qui empêchent d’en expérimenter la « véritable essence ».
Mais une telle expérience, répétons-le, est hors du temps, «parce que», dit Proust lui-même, «la mémoire, qui introduit le passé dans le présent, abolit justement cette grande dimension du Temps selon laquelle la vie se réalise». Ces souvenirs sont fragmentaires et momentanés, c’est « un plaisir que [Marcel] n’a eu que dans de rares intervalles de temps ». A l’occasion de ces moments d’extase, certains parlaient du mysticisme de Proust, de son expérience de la «mémoire affective» comme d’une expérience typiquement mystique. Mais ils parlèrent aussi des extases mystiques de Rimbaud, Nerval, Coleridge et bien d’autres. Je garderais ce mot pour ce qu’il devrait signifier : l’extase d’un certain contenu, le résultat d’une vie d’efforts et de discipline concentrés. Chez Proust, les souvenirs affectifs surgissent spontanément, involontairement, à la faveur d’un « accident soudain », et il en parle comme d’« expériences extratemporelles ». Faut-il s’étonner alors qu’en concentrant tout autour d’eux, l’œuvre de Proust néglige le temps. Il n’écrit pas cette œuvre – malgré les titres, etc. – pour revenir au temps, mais pour en sortir, et ce qui est « retrouvé » à la fin du livre, comme le dit Proust lui-même, n’est pas le temps mais « l’essence des choses « au-delà du temps ». „Une minute libérée de l’ordre du temps crée en nous un homme libéré de l’ordre du temps“, Velion. Pour les mystiques, cette expérience de liberté par rapport à l’ordre du temps s’appelle l’expérience de l’éternité [non pas l’immortalité, mais l’éternité], qui est un autre terme pour l’extratemporel, un état dans lequel on sort du temps, de ce qui est la mort. Les mystiques parlaient de cet état ; et quelques poètes aussi. Peut-être que Rimbokada a écrit les vers suivants:
Elle est retrouvée
Quoi? L’éternité.
C’est la mer
Mêlée au soleil.
Les philosophes aussi. Du moins à partir de Plotin. Comme le disait Schelling, proche de Proust: «La véritable éternité, c’est le temps maîtrisé.»
Nous voici au dernier message important de Proust : La mort est le fait quotidien de notre vie, l’homme ne meurt pas seulement à sa fin, il meurt tous les jours, vivant une vie qui ne vaut pas la peine d’être vécue. Mais il y a le salut,
«parce que la vraie vie est ailleurs 7, hors de tout cela », dit Proust, « non pas dans la vie elle-même ni après la vie, mais hors d’elle, si l’expression qui vient de l’espace a un sens dans un monde devenu libre de l’espace »“.
Et se débarrasser de l’espace et du temps, c’est avant tout se débarrasser de la mort, en l’excluant des problèmes de votre vie. Tout le roman de Proust est une discussion avec la mort, un combat contre elle, le « temps retrouvé » est trouvé « l’éternité », la vie hors du temps, là où il n’y a pas de mort. Certains s’étonnaient que ces dernières années Proust soit indifférent à la mort „dont il savait mieux que quiconque qu’elle était inévitable dans un avenir proche, mais dans l’expérience intemporelle la mort n’existe pas“.
Toute l’œuvre de Proust est imprégnée de la conscience et de la pensée de la mort, ce qui est unique dans la littérature récente, si l’on considère que Proust, comme beaucoup l’ont noté, « est le premier et jusqu’à présent le seul grand écrivain… qui soit absolument non religieux ». „. Il est religieux et, malgré ses penchants philosophiques, complètement métaphysique, si la métaphysique est un détour par la religion, souvent une religion qui ne peut se l’admettre. Proust consacre des pages et des pages de son œuvre à ces morts partielles de l’homme, à ces „intermittences du coeur“ d’indifférence qui surviennent après des passions violentes, à notre oubli, par lequel des périodes entières de notre vie deviennent vide et désolation dans notre âme, à cette loi absurde de la vie quotidienne que le tout comprime dans le présent dirigé vers le vide agité du futur.
„Notre châtiment le plus juste et le plus cruel est l’oubli complet, aussi complet, aussi silencieux que le silence des cimetières, cette mort constante, qui nous brûle sans même que nous nous en apercevions.“
„Il faut penser à la mort“, dit-il, et les deux derniers livres sont consacrés à la réflexion sur ces morts partielles, sur la mort des êtres chers, sur sa propre mort. Avec la volonté de surmonter toutes ces peurs, de trouver un but à la vie à travers la mort et l’agonie, d’être son enrichissement. Cependant, le roman se termine par un triomphe de la vie, où le bonheur n’est pas compris comme une jouissance continue, mais comme la plénitude et la conception de la vie, même à travers la souffrance.
„Quelle que soit la chose que j’aimerai, ce sera toujours au terme d’une recherche douloureuse, au cours de laquelle je devrai sacrifier ma jouissance à cet âge le plus élevé. “ Les peurs ainsi que nos plus grands espoirs n’excèdent pas nos forces et que, après tout, nous pouvons réussir à surmonter l’un et à réaliser l’autre“, Proust semble y avoir réussi : „Il y a longtemps, le souvenir de mon amour m’a aidé à ne plus avoir peur de la mort. J’ai compris que mourir n’était pas quelque chose de nouveau pour moi, que j’étais souvent mort depuis mon enfance… Ces morts successives… m’ont fait comprendre… à quel point il serait imprudent d’avoir peur de la mort.“
Et comme auparavant, chacun de nous cherche toutes sortes de raisons, même contradictoires, d’apaisement, Proust aussi:
„Le travail d’un écrivain nécessite la souffrance préalable de l’écrivain… La pensée des souffrances antérieures est liée à la pensée du travail, une personne a peur avant chaque nouvelle œuvre, pensant aux douleurs que nous devons endurer avant cela. .. Ainsi, tout comme une personne se rend compte que la souffrance est la meilleure chose qu’une personne puisse rencontrer dans la vie, elle pense sans horreur, presque comme s’il s’agissait d’une sorte de libération, de la mort.
Il y a probablement un peu de littérature, comme dans toute pensée avant l’inimaginable qu’est la mort, mais il y a aussi beaucoup de vérité: Pourquoi avoir peur de la mort si la valeur et la plénitude de toute la vie réside précisément dans ce souvenir du passé. , à condition que nous parvenions à incarner le passé en action. Non seulement tous les témoins des derniers jours de Proust s’accordent à dire qu’il est mort le plus indifférent possible à la mort, mais l’œuvre entière parle du dépassement progressif de cette peur, de son dépassement dans l’extratemporalité extatique, dans la « mémoire affective » de Proust. Nous croyons aux mystiques. Pourquoi Proust, qui sait le dire de manière d’autant plus convaincante, ne serait-il pas convaincant.
„Pourquoi les images de Combre et de Venise [dans la mémoire affective] me plaisaient-elles à certains moments, de manière si fiable et suffisamment, sans autre preuve, qu’elles me rendaient indifférent à la mort ?“ » s’interroge Proust, ajoutant un peu plus loin que la raison en est l’extra-temporalité de cette expérience. „J’ai cherché la cause de cette félicité… J’ai deviné quelle était cette cause en comparant ces diverses impressions de félicité, qui avaient en commun de les expérimenter en même temps au moment présent et à un moment lointain, de sorte que le le passé coïncidait avec le présent… En fait, l’être qui jouissait alors de cette impression… dans ce qu’il y avait d’extratemporel en lui, était un être qui apparaissait seulement lorsque, avec cette identité du présent et du passé, il pouvait trouver lui-même dans un environnement dans lequel il pourrait vivre et jouir essentiellement, c’est-à-dire hors du temps. Ceci explique le fait que ma peur de la mort s’est arrêtée au moment où j’ai reconnu inconsciemment le goût de Magdalena, puisqu’à ce moment-là l’être que j’étais était un être extratemporel, qui ne craint donc pas les troubles du futur.
D’ailleurs, Proust peut parler du temps et du temps retrouvé s’il sort ces instants du temps et les transfère dans l’intemporel.
À tout cela, il faut ajouter que la sagesse de Proust dans la vie, sa capacité à surmonter la peur de la mort, ne reposent pas exclusivement sur ces moments de bonheur extratemporels. Dans l’œuvre comme dans la vie, il faudra un autre facteur pour que le malheureux et pauvre Marcel se transforme en un conteur heureux et conscient de lui-même. Il faut que Marcel devienne un écrivain, un grand artiste authentique, tel que le conteur l’imagine et l’invente tout au long de l’œuvre, pour que le « temps retrouvé » acquière un sens et une plénitude qui dépassent et perpétuent les brefs instants de bonheur. Parce que la seule vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, et donc la seule véritablement vécue, c’est la littérature ; cette vie qui, d’une certaine manière, réside à chaque instant chez tous les hommes, ainsi que chez l’artiste… Cet art, si compliqué, est précisément le seul art vivant. C’est la seule qui parle pour les autres et nous permet de voir en nous notre propre vie, cette vie dont les apparences… demandent à être traduites, souvent lues à l’envers, douloureusement déchiffrées… C’est un chemin en sens inverse, retourner dans les profondeurs où ce qui existait réellement se trouve à notre insu. » Et ce « retour aux profondeurs » de la vie réelle ne peut se réaliser que par un acte artistique de prise de conscience.
„C’est seulement alors, quand il l’a illuminé, quand il l’a intellectualisé, que nous discernons… la figure de ce que nous avons vécu.“
Mais la décision de s’approcher réellement du véritable travail de « retour aux profondeurs » et de se consacrer entièrement à la « vocation » est aussi prise, une fois de plus, sous l’impulsion de la pensée de la mort. En effet, la dernière image marquante du roman est la grande réception chez Germant, une scène grotesquement bouffonne, où Proust rassemble toutes les personnalités qui ont joué un rôle dans son histoire, tous les représentants de clans autrefois différents, désormais réunis en un seul, parce que le processus La symbiose est déjà achevée, l’aristocratie surclassée, la bourgeoisie pénètre dans les dernières redoutes.
Le narrateur est présenté ici comme quelqu’un qui n’a pas été dans la société depuis de nombreuses années, qui n’a rencontré aucun de ces gens, et maintenant il les trouve complètement changés, vieillis. Il est vrai qu’il a depuis longtemps cessé d’avoir peur de la mort, „parce qu’il a compris que mourir n’est pas nouveau, qu’il était déjà mort plusieurs fois depuis son enfance“, mais néanmoins, ce qu’il a vu à cette réception était trop … à la fois burlesque et effrayant. Il ne reconnaît personne dans ce monde qui lui était autrefois si proche. Le premier amour de Marcel, Gilberta, est devenu une „grosse dame“ qu’il ne reconnaît pas, la passion de Robert, Rachel, est également méconnaissable, maintenant elle n’est plus qu’une croupe pleine de rides. Les cheveux, les moustaches et les barbes de chacun devenaient blancs, ce monde autrefois bruyant et orageux ressemblait à un „cimetière silencieux“, les femmes „luttaient sans cesse contre la vieillesse, pour la beauté qui s’éloignait comme le soleil couchant“, les hommes, courbés, marchait avec difficulté. En fait, tous ces fantômes n’ont pas changé en substance, ils ne sont pas devenus autre chose, seules les années ont mis sur leurs visages des visages burlesques, derrière lesquels émergeaient encore certains traits de leurs vrais visages, et les visages racontaient quel genre de vie ils vivaient. et ce qu’il en a fait. « La vieillesse a quelque chose d’humain, dit Proust, et c’étaient des monstres. » Des monstres qui, comme dans les fresques médiévales peintes sur les murs des cimetières, jouaient au jeu des morts, avec des masques qui devenaient leur véritable visage.
Là, face à ce jeu des morts, Marcel vit plusieurs extases de mémoire affective et trouve un sens à sa vie. Lui, qui y désespérait presque, convaincu qu’il n’avait pas le droit de devenir ce qu’il avait toujours voulu, devenir écrivain, se rend soudain compte qu’il a trouvé un sujet et qu’il aura la force de le réaliser. Il quittera le monde, vivra ascétiquement, voué aux souvenirs, où tous ces morts-vivants actuels sont encore une jeunesse pleine et exubérante.
„Au lieu de prolonger la vieille vie frivole, se dit-il, ne vaudrait-il pas mieux essayer de décrire l’arc, de tirer la loi… de leurs gestes, de leurs paroles ?“ Non pas pour donner une image de ces « anciens d’Avetinja », de ces « poupées qui manifestent le temps », de ce temps qui « caricature les gens », mais une image des « réalités extratemporelles » qui leur sont liées, qui auraient dû être rendues « compréhensibles et clair, intellectualisé dans une œuvre d’art.
Les intellectualiser, c’est-à-dire les approfondir, les clarifier, car « ce ne sont pas réellement les êtres humains qui existent, et ce qui est donc propre à s’exprimer, mais les idées », et celui qui y parvient s’élève à son potentiel le plus élevé, à la contemplation, à l’expression artistique, car seule la création artistique est un remède „à l’imperfection incurable du présent“, seule elle permet à l’homme de se libérer du temps, de „se rencontrer“. cette source de toute vérité. Et tout ce qui s’est passé avant, les souffrances, les chagrins, les échecs et la vanité, tout ce que Marcel a vécu et manqué, tout devient un trésor précieux pour l’écrivain, car la vie est un paquet d’impressions, et nous ne pouvons en extraire qu’une sorte de vérité. On ne va pas de l’art à la vie, mais de la vie à l’art.
De la vie, qui pour Proust est avant tout un faisceau de souvenirs affectifs, autour desquels tout tourne, parce qu’ils sont la révélation des lois de la vie, parce que
„il n’est pas possible que telle sculpture, telle musique qui nous enthousiasme, que nous sentons plus pure, plus sublime, plus vraie, ne corresponde pas à une certaine réalité spirituelle… Dans ce cas comme dans d’autres, que ce soit des impressions qu’ils m’ont laissées au clocher de Martenville, ou de réminiscences comme celles du pavé inégal, ou du goût de Madeleine, il fallait interpréter ces sensations comme des signes d’autant de lois et d’idées, en essayant de penser, que c’est faire sortir de la pénombre ce que j’ai ressenti, qu’il se transforme en un équivalent spirituel. Et le seul outil qui me semblait adapté pour cela, qu’est-ce que cela pouvait être d’autre que la création d’une œuvre d’art.“
Même s’il y a des mots et des idées dans cette citation qui feraient plaisir à Henry, ce que Proust veut dire est clair : dire la vie artistiquement, la façonner, la transformer en la beauté des moments d’exception, qu’ils soient des moments de souffrance, extraire de ses impressions non seulement le tableau des individus dans leur individualité, mais aussi ce qui est commun à tous, c’est-à-dire, au moins commun au monde qui est celui de l’écrivain, les « lois », comme dit Proust, qui régissent eux, et dans lequel il y a encore beaucoup d’universel et de volonté et de donner à l’œuvre elle-même une signification universelle : leurs vanités, leurs défauts et vices hideux, mais aussi leurs misères et leurs souffrances, leur générosité occasionnelle et leur faiblesse constante, la destinée humaine . D’où une certaine monotonie du travail : les gens sont essentiellement les mêmes. En fait, Proust ne néglige pas le temps, mais le subordonne à quelque chose qui le neutralise, estimant que tout le roman est une tentative pour dépasser l’absurdité du temps, « puisque la mémoire, qui introduit le passé dans le présent sans le changer, abolit justement cette grande dimension du temps selon laquelle la vie se réalise“.
Ainsi, passant de l’observation ordinaire du monde, toujours superficielle, à la profondeur de la perception de son essence, l’écrivain trouve enfin un sens et une valeur à la vie, apprend « des vérités qui appartiennent à quelque chose de plus réel que le monde dans lequel je me trouve ». vécues, des vérités qui, une fois acquises, ne peuvent plus m’être enlevées“. Le salut réside dans la prise de conscience à travers l’art, et In Search est en grande partie un roman sur l’art, une longue discussion à ce sujet, mais pas un roman sur l’incompatibilité de la vie et de l’art. Proust ne cesse de nous apprendre comment une personne peut accéder à une vie remplie d’art, conçue par lui. D’où un certain flou volontaire de l’œuvre, d’où les innombrables « Beckets ». Il insère constamment quelque chose de nouveau, car il sait que, grâce au pouvoir de la mémoire, tout ce qui semble petit et insignifiant peut être inclus dans une vision toujours plus large et plus approfondie du monde à travers une interprétation créative. La réalité acquiert ainsi une dimension qui dépasse l’absurdité du quotidien, et la personnalité du héros, qui s’approfondit et s’élargit précisément grâce à de telles interprétations, toujours ouvertes, se transforme progressivement d’un nerd sensible en un sage et un créateur. L’expérience de la vie a nourri l’œuvre; et l’œuvre était un moyen, un instrument d’une expérience de plus en plus spiritualisée. C’est pourquoi l’écrivain à la fin de sa vie, en lutte constante contre la mort, pouvait identifier les leçons de la vie avec les pages du livre qu’il était en train d’écrire. Le livre est devenu sa vie, l’essence de la réalité de la vie, absolument spiritualisée.
Un écrivain qui a insisté tout au long de l’ouvrage sur le fait que l’homme doit « descendre en lui-même pour trouver la vérité », que l’homme est « un être qui ne peut sortir de lui-même », qu’il ne connaît rien en dehors de ses propres impressions qui changent constamment. , qui font que d’instant en instant nous voyons le monde avec des yeux différents, il se considérait comme un pur réaliste. „La grandeur du véritable art… consiste à retrouver et à comprendre à nouveau… cette réalité dont nous vivons très loin, dont nous nous éloignons de plus en plus à mesure que la connaissance conventionnelle que nous mettons à sa place devient plus épaisse et plus impénétrable, cette réalité qui est telle que nous pouvons très facilement mourir sans la connaître, qui, en termes simples, est notre vie, la vie enfin trouvée et illuminée, la vie que nous avons réellement vécue, qui, dans un certain sens, habite chaque moment chez tous, comme et avec les artistes. Mais ils ne le voient pas, parce qu’ils ne cherchent pas à l’éclairer, et leur passé est donc surchargé d’innombrables clichés, qui restent inutiles parce que l’intelligence ne les a pas développés.»
„Ils ne le voient pas…“ A moins qu’un miracle ne se produise, et cela arrive, à moins qu’apparaisse un artiste qui illumine la vie, qui, même quand tout ce que nous aimions a disparu, sache „nous apprendre à comprendre ces morts oubliés“. », pour ouvrir les yeux pour enfin voir. Il le fait en traduisant toutes ces « essences oubliées dans le langage universel de l’art, un langage permanent, permanent, qui fera de celles qui n’existent plus, dans leur essence la plus véritable, un bien éternel pour toutes les âmes ». L’art, le seul capable de briser le mur qui sépare chacun de nous du reste du monde, de surmonter l’impossibilité d’une véritable communication, la communication entre les gens, qui tourmentait tant Marcela dans l’amour et l’amitié. Individualiste absolu, solipsiste, comme beaucoup le prétendaient Proust, il sait qu’en énonçant les « lois générales » qui sous-tendent sa propre vie, il exprime la vérité la plus profonde de toutes les vies, nous aidant à « éclairer » la nôtre.
„Je dis que c’est la loi cruelle de l’art que les êtres meurent, que nous mourons nous-mêmes, épuisant toutes les souffrances, pour que pousse l’herbe des œuvres fécondes… sur lesquelles les générations viendront, paisiblement et insouciantes, achever leur déjeuner. sur l’herbe.“
Et qu’ils soient spirituellement plus riches, plus luxueux, car chaque fois qu’un véritable artiste original apparaît,
„le monde nous apparaît bien différent de l’ancien, mais aussi parfaitement clair… Car ce n’est que par l’art que nous pouvons sortir de nous-mêmes, en sachant ce que quelqu’un d’autre voit de cet univers… Autant il y a d’artistes originaux, il y a autant de mondes à notre disposition.“
Je l’avoue: j’ai commencé avec une attitude plutôt réservée envers « Marcel », mais au fur et à mesure, le «conteur» s’est rapproché de moi. Qui est intelligent et réfléchi pour réfuter ses idées, peut-être pas entièrement nouvelles, mais si originales dans la narration de l’idée rainurée. Certainement pas moi, qui ai appris il y a longtemps de mon poète que mon peuple pourrait même ne pas exister si «le poème le soutenait». Ajoutons simplement, pour les sceptiques, que Proust ne plaide pas ici pour l’art pour l’art, mais pour l’art pour la vie.
Et maintenant cette conclusion hâtive — parce qu’In Search est la Somme du genre, et je n’ai pas eu le temps de dire quoi que ce soit sur la compréhension qu’avait Proust des divers arts, ni sur ses idées politiques, ni sur ses vues sur la société de son temps. , sans parler de son style et de la composition du roman, si unique que personne n’a réussi à l’imiter, même si depuis Proust, on ne pouvait plus écrire un roman comme avant – maintenant, à cette conclusion hâtive, disons quelques des mots sur les dernières années et la mort de Proust.
Depuis le jour où il a imaginé et esquissé son œuvre, et en a déjà en partie écrit la fin, Le temps retrouvé, il restait à Proust environ douze ans à vivre. Il les a tous consacrés à l’écriture. Il sortait de moins en moins, s’enveloppait de plus en plus dans des foulards dans la pièce surchauffée, mangeait de moins en moins, se nourrissant principalement de café et de bière, s’étouffait de plus en plus souvent, devenait de plus en plus faible. Et, de l’avis de tous, il était heureux d’une certaine manière.
Puis il contracta une pneumonie et, ne croyant pas à l’efficacité des soins médicaux, il ordonna à Céleste, sa gouvernante, de ne pas laisser entrer le médecin chez lui. Il était désolé pour son impolitesse, alors il a immédiatement envoyé au médecin un panier de fleurs. Céleste a dit:
„C’est terrible de penser que des médecins, pour prolonger la vie d’un patient, veulent le torturer de toutes leurs forces. Promets-moi que s’ils veulent me faire de telles injections, tu les en empêcheras. Jurer?“ Et il ajoutait en plaisantant: „Si vous ne m’écoutez pas, je reviendrai de l’autre monde pour vous torturer.“
La veille de sa mort, il avait dit à son frère médecin : „Je vais passer la nuit à faire mon propre travail et je garderai Céleste à mes côtés pour m’aider.“ Et en effet, il a travaillé toute la nuit. Il en est resté plusieurs «beckets» célèbres. Vers trois heures du soir, épuisé par l’effort d’écrire, étouffé, il appela Céleste : «Maintenant que j’en suis presque au même point que Bergot9, il faut faire quelques corrections dans le récit de sa mort.“ Et il lui a dicté ces corrections. Il est mort dans la journée. Convaincu que le sens et le salut ne sont que dans l’art.
Сретен Марић